Auto-assemblage de quasi-cristaux à l’échelle humaine

Image en espace réel, facteur de structure, mosaïque quasi cristalline reconstruite obtenue après ∼ 170 heures d’expériences.

Les physiciens et les physiciennes du Laboratoire physique des solides (CNRS/Université Paris-Saclay) ont prouvé que les quasi-cristaux, les structures ordonnées apériodiques qui ont transformé la cristallographie, ne sont pas confinés au domaine atomique ou microscopique mais peuvent se former spontanément à l’échelle du millimètre.

Les quasi-cristaux forment une catégorie de solides ordonnés et non périodiques. Leur découverte par Shechtman et ses collègues en 1982 (le Prix Nobel de Chimie en 2011) a profondément modifié notre compréhension de la structure cristalline et de l’ordre dans les solides. En raison de leurs propriétés mécaniques, élastiques, thermiques et optiques, ils offrent un potentiel sérieux pour les développements technologiques dans les domaines de la métallurgie, l’électronique, ainsi que de l’optique et de la photonique.

Jusqu’à présent, l’auto-assemblage des quasi-cristaux était limité aux échelles atomiques, nanométriques et micrométriques. À ces échelles, l’agitation thermique joue un rôle prédominant pour la formation de ces structures révolutionnaires, cependant, aucun quasi-cristal n’avait encore été observé à une échelle plus grande, où l’agitation thermique est absente.

Les physiciens et physiciennes du Laboratoire de Physique des Solides – LPS (CNRS/Université Paris-Saclay), grâce à la collaboration entre les équipes Matière Molle aux Interfaces et Théorie, ont réussi à générer des quasi-cristaux à partir de billes d’acier millimétriques. En plaçant une couche unique de billes sur une plaque métallique vibrante, ils ont confirmé l’émergence d’un quasi-cristal dans des conditions précédemment prédites par la mécanique de l’équilibre statistique.
L’astuce est d’utiliser deux tailles de billes légèrement différentes car les petites billes peuvent passer sous les grosses billes. Une astuce déjà utilisée avec des systèmes colloïdaux mais jamais pour des systèmes macroscopiques À première vue, cela pourrait suggérer que les vibrations jouent simplement le rôle de l’agitation thermique, mais les chercheurs ont démontré que la dynamique sous-jacente à l’auto-assemblage est distinct et plus complexe car il est ancré dans le domaine de la physique statistique hors équilibre, le domaine de la physique qui tente d’aller au-delà de la simple agitation thermique, qui est beaucoup moins bien comprise. Ce travail est publié dans la revue Nature Physics le 19 Janvier 2024.

Ce résultat ouvre une nouvelle piste pour l’auto-assemblage qui pourrait intéresser un large éventail de chercheurs et chercheuses en physique fondamentale (mécanique statistique à l’équilibre et hors équilibre) et appliquée (systèmes granulaires et matière active). Pour les applications pratiques, comme les cristaux atomiques peuvent être conçus pour produire des propriétés électroniques spécifiques, il a été démontré que les cristaux granulaires peuvent servir d’interrupteur, de redresseur et d’élément logique pour la conduction du son.

Contributeurs

Équipe Matière Molle aux Interfaces (MMOI)
Équipe Théorie (THEO)

Financements 

LabEx PALM (grant no. ANR-10-LABX0039-PALM) and of
Agence Nationale de la Recherche (ANR), grant ANR-18-CE09-0025.

Références

A. Plati , R. Maire, E. Fayen, F. Boulogne   , F. Restagno   , F. Smallenburg    & G. Foffi : Quasi-crystalline order in vibrating granular matter. Nature Physics 2024, doi.org/10.1038/s41567-023-02364-1

Liens

https://www.newscientist.com/article/2382510-biggest-yet-quasicrystal-made-by-shaking-metal-beads-for-a-week/
https://www.pourlascience.fr/sd/physique/les-quasi-cristaux-passent-a-l-echelle-macroscopique-26054.php
https://www.inp.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/auto-assemblage-de-quasi-cristaux-lechelle-humaine

Contact

giuseppe.foffi@universite-paris-saclay.fr