
Des chercheurs et chercheuses ont observé à l’aide d’un faisceau X intense et cohérent, généré par un laser à électrons libres (XFEL), la déformation et la rupture d’une modulation d’électrons présente dans certains cristaux lorsqu’ils sont soumis à un courant. |
Le transport de charges à travers les matériaux constitue un phénomène essentiel pour de nombreux dispositifs, qu’il s’agisse de semi-conducteurs, de supraconducteurs ou encore de batteries. Il n’est malheureusement pas possible d’observer un tel mouvement de charges par des rayons X en raison de leur faible sensibilité aux électrons presque libres. En revanche, dans les systèmes dits à « Ondes de Densité de Charge » (ODC), le transport de charges est accompagné par une déformation du réseau atomique, laquelle peut être observée par rayons X.
Dans une collaboration internationale impliquant en particulier le Laboratoire de Physique des Solides (LPS, CNRS / Université Paris-Saclay), des scientifiques ont réussi à observer le transport électronique dans ces matériaux par l’observation du comportement de la structure atomique sous-jacente en utilisant un faisceau X intense généré par un Laser à Electrons libres (XFEL). Dans les systèmes à ondes de densité de charge, les électrons et la structure atomique adoptent tous deux un comportement ondulatoire, les deux modulations étant indissociables. Cette phase de la matière est très sensible à diverses excitations externes, telles que les changements de température, une impulsion laser ultrabrève ou encore de faibles courants. Dans ce dernier cas, lorsqu’un courant continu, supérieur à un seuil critique, est appliqué à l’échantillon, un courant supplémentaire apparaît dans le cristal. Il est naturellement pulsé et est directement lié au comportement de l’ODC. Cet effet s’explique par une déformation de l’ODC due au courant, finissant par rompre au-delà d’une certaine limite de déformation et libérant périodiquement des objets topologiques chargés qui se déplacent sur des distances macroscopiques.
Les chercheurs et chercheuses ont observé ce phénomène en utilisant le faisceau X cohérent et étendu à partir de la source XFEL de LCLS à Stanford. La phase de l’onde a été déduite des clichés de diffraction en appliquant un algorithme génétique. L’ODC présente une cohérence spatiale étonnante malgré sa période nanométrique. Elle se déforme continûment d’un bord à l’autre du cristal, pourtant large de plusieurs dizaines de microns. Analogue à une corde de guitare pincée à ses deux extrémités qui se courberait sous l’effet d’une force, l’onde se courbe sous l’effet du courant piégé par les deux surfaces latérales du cristal. Cet effet de cisaillement augmente au fur et à mesure que le courant augmente, puis se relâche subitement au-dessus du courant seuil (voir la figure ci-dessous). L’onde se déforme dans la direction transverse par cisaillement, mais aussi dans la direction longitudinale, à l’image d’un accordéon qui se contracte et se dilate. Les deux déformations, transverse et longitudinale, sont étroitement couplées, la relaxation de l’une au-dessus du seuil entraînant l’apparition de l’autre. De plus, les défauts présents à la surface du cristal jouent aussi le rôle de piège, empêchant l’onde de glisser.
Ce résultat illustre les capacités des nouvelles sources XFEL qui, associées à des méthodes d’analyse appropriées, ouvrent des perspectives inédites pour observer et comprendre le comportement des systèmes électroniques. Ces résultats sont publiés dans Science Advances.

