Des microalgues pour capter le CO2 atmosphérique

Pour atteindre la neutralité carbone, il est nécessaire, non seulement de réduire nos émissions de CO2, mais également de capter le CO2 atmosphérique, ce qui est également appelé « émissions négatives ». Des chercheurs ont réalisé une « expérience de pensée » visant à quantifier une technique d’émissions négatives basée sur l’utilisation de microalgues.

Il existe actuellement deux types de technologies à émissions négatives. Le captage direct de l’air utilise des procédés physico-chimiques pour éliminer le CO2 de l’atmosphère tandis que le captage indirect se base sur la photosynthèse, principalement en utilisant l’absorption du CO2 par des plantes. Dans la technique dite « bioénergie par capture et stockage de CO2 (BECCS) », ces plantes sont ensuite récoltées et séchées avant d’être brûlées dans une centrale thermique, produisant ainsi électricité et/ou chaleur. Elles émettent alors du CO2, qui est capté et stocké géologiquement. Dans le bilan global, on a donc retiré du CO2 à l’atmosphère. La technique BECCS est déjà envisagée dans les rapports du GIEC, mais uniquement pour les plantes. A l’inverse, les microalgues (Figure a) sont des microorganismes photosynthétiques à fort potentiel puisqu’elles réalisent la moitié de la photosynthèse à l’échelle mondiale. De plus, elles absorbent plus efficacement le CO2 lors de la croissance par rapport aux plantes. Les chercheurs du Laboratoire de Physique des Solides ont donc envisagé une nouvelle technique d’émissions négatives par captage indirect basées sur l’utilisation de microalgues (Figure b). Ces résultats viennent de paraître dans Energy Nexus.

Afin d’atteindre la neutralité carbone, il sera nécessaire de capter 10 Gt de CO2 par an en 2050. Si on suppose d’utiliser uniquement la BECCS à base de plantes pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’y consacrer 15% de la surface agricole mondiale actuelle, ce qui apparaît largement irréaliste. Pour le même objectif, un facteur de 4 à 8 sur la surface est obtenu avec les microalgues suivant la productivité de celles-ci (biomasse produite par unité de temps et de surface utilisée). Même si la consommation en eau reste trop élevée dans le processus BECCS, l’utilisation de certaines microalgues poussant dans l’eau de mer pourrait résoudre ce problème.

Le procédé produit également de l’énergie permettant ainsi d’étudier sa rentabilité énergétique notamment en terme d’électricité. Pour les faibles productivités, l’utilisation de microalgues consomme de l’électricité, de manière comparable à la capture directe de l’air (un autre procédé à émissions négatives très énergivore) : en effet, pour une productivité de 15 g.m-2.jour-1, la BECCS avec des microalgues consommerait 0.8 GJ par tonne de CO2 captée, alors que la capture directe en consomme 0.9 GJ. A l’inverse, le processus est rentable (électricité nette positive) pour les grandes valeurs de productivité, comparable à d’autres sources d’énergie renouvelables telles que les éoliennes : le système BECCS avec des microalgues produirait 0.25 W/m2 pour une productivité de 30 g.m-2.jour-1, à comparer aux 0.2 à 0.5 W/m2 produits par des éoliennes. Notons que dans le cas des biofilms, une valeur raisonnable de productivité est 15 g.m-2.jour-1, ce qui correspond pile au cas où le procédé BECCS consomme autant d’énergie qu’il en produit. Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes de réflexion pour réaliser l’élimination du CO2 atmosphérique, si possible de manière peu coûteuse.

Figure. A) Image au microscope optique de la microalgue Synechocystis sp. PCC6803 ; B) Principe de la BECCS à base de microalgues. Les microalgues sont cultivées grâce au CO2 atmosphérique. La biomasse correspondante est ensuite brûlée dans une centrale de production, produisant ainsi de la chaleur et de l’électricité ; le CO2 résultant de la combustion est capté et stocké ; en suivant les flèches bleues correspondant au CO2, on peut facilement voir que le processus est dans l’ensemble une technologie à émissions négatives. La croissance des microalgues nécessite de l’électricité, prélevée sur l’énergie produite par la centrale électrique.

Référence
Microalgae-based Bioenergy with Carbon Capture and Storage quantified as a Negative Emissions Technology
C. Even, D. Hadroug, Y. Boumlaik, G. Simon
Energy Nexus, 2022, 7, 100117
DOI: 10.1016/j.nexus.2022.100117

Contact
Catherine Even