Elaboration de fibres auto-réparatrices à partir de mésophases de nanotubes inorganiques

L’incorporation de nanomatériaux au sein de fibres permet d’en améliorer les propriétés mécaniques voire de leur conférer de nouvelles fonctions. Les nanomatériaux unidimensionnels tels que les nanotubes sont particulièrement adaptés à la géométrie uniaxiale des fibres. Des chercheurs de l’Imperial College London et du LPS ont montré qu’il est possible de produire des fibres dont les composantes sont extrêmement bien alignées à partir de phases cristal-liquide de nanotubes d’imogolite, avec une remarquable capacité d’auto-réparation.

L’exploitation des propriétés de nanoparticules anisotropes dispersées individuellement dans des assemblages macroscopiques est souvent un défi. Elles doivent être maintenues alignées, à forte concentration et sans agrégation, au sein de la matrice. Elles peuvent alors assurer le transfert de charge nécessaire à un renforcement mécanique efficace. Dans ce contexte, les nanotubes d’imogolite synthétiques (NTI), géo-inspirés d’analogues présents dans les sols volcaniques, forment des phases cristal-liquide uniques lorsqu’ils sont dispersés en milieu aqueux, facilitant le filage de fibres, tandis que la paroi externe des NTI, composée de groupement hydroxyle permet de fortes interactions avec des polymères hydrosolubles comme l’alcool polyvinylique (PVOH) (figure a). Des chercheurs de l’Imperial College London et du LPS ont pu fabriquer les premières fibres à base de NTI, introduisant ainsi un nouveau système nanocomposite. Les fibres, où les nanotubes et le polymère sont très bien alignés (figure b), présentent un module d’Young et une contrainte à la rupture qui atteignent 24 et 0.8 GPa, des valeurs nettement supérieures à celles d’une fibre de PVOH de référence. Ce résultat est attribué aux effets de renforcement des interactions et à la cristallisation du PVOH en présence des nanotubes. De plus, l’étude a révélé que les fibres s’auto-réparaient par auto-assemblage induit par évaporation (figure c). Les fibres auto-réparées ont récupéré jusqu’à 44 % du module d’Young et 19 % de la contrainte à la rupture par rapport aux fibres d’origine. Ce premier résultat montre qu’il est possible de réparer une fibre robuste avec une récupération de près de la moitié du module d’Young. Le rapport d’aspect élevé et la surface hydroxylée des nanotubes jouent ici un rôle crucial, dont la maîtrise pourrait être à la base de développements futurs de fibres composites auto-réparatrices.

Figure : (a) Représentation schématique de nanotubes d’imogolite (NTI) dans une matrice d’alcool polyvinylique (PVOH). (b) Diagramme de diffusion des rayons X caractéristique d’une fibre orientée INT/PVOH. Les expériences ont été réalisées sur le dispositif WAXS-Cu (plateforme MORPHEUS, équipe MATRIX). (c) Photographies du processus d’auto-réparation : (i) rupture d’une fibre INT/PVOH, (ii) Mise en place d’une gouttelette d’eau chaude sur les deux surfaces fracturées, (iii) cicatrisation de la fibre par un processus d’auto-assemblage induit par évaporation

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Référence

Inorganic Nanotube mesophases enable strong self-healing fibers
Won Jun Lee, Erwan Paineau, David B. Anthony, Yulin Gao, Hannah S. Leese, Stéphan Rouzière, Pascale Launois et Milo S. P. Shaffer.
ACS Nano 2020, 14, 5570-5580 (2020)
doi:10.1021/acsnano.9b09873

Contacts

Erwan Paineau
Pascale Launois