Modifier des surfaces solides, le quotidien de bactéries

Dévoiler comment les bactéries modifient la surface des parois solides rencontrées dans leur environnement proche est fondamental pour de nombreux domaines tels que les nanotechnologies, la bio-ingénierie, la géomicrobiologie, la chimie/physique fondamentale des surfaces. Une équipe multidisciplinaire de l’Université Paris-Saclay (Laboratoire de Physique des Solides et Institut de Biologie Intégrative de la Cellule) a, pour la première fois, relié quantitativement les étapes de la corrosion d’un nanofilm métallique avec l’action de bactéries. Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles perspectives d’études de la stabilité et réactivité des premières nanocouches de contact liquide-solide.

Les bactéries ont évolué sur terre depuis des milliards d’années et ont réussi à coloniser toutes les niches écologiques. Leur diversité métabolique est si vaste qu’elles jouent un rôle majeur dans les cycles biogéochimiques de notre planète. Mettre en évidence les mécanismes d’interaction des bactéries avec les premières couches interfaciales de la matière solide qui les entourent constitue un enjeu important et les chercheurs ont proposé ici d’utiliser des films minces de fer, de surface centimétrique et d’épaisseur nanométrique. L’opacité du nanofilm étant reliée à son épaisseur, il est alors possible de mesurer à la fois la dégradation du nanofilm et de localiser et quantifier la dynamique des bactéries in situ et en temps réel par simples mesures optiques (Figure 1).

Figure 1. Observations microscopiques de bactéries Shewanella oneidensis MR1 au contact ou à proximité de la surface d’un nanofilm de fer (à gauche) et d’une lame de verre (à droite).

Ce travail expérimental publié dans le journal ACS Central Science indique une corrosion homogène des nanofilms de fer déclenchée soudainement par les bactéries (Figure 2). Les expériences révèlent notamment une forte agitation des bactéries Shewanella oneidensis MR1 lors de la dissolution du fer. Des mutants de S. oneidensis ainsi que d’autres espèces bactériennes telles que E. coli et L. plantarum sont également capables d’induire la corrosion. L’ensemble des expériences met en évidence plus généralement le rôle des protéines respiratoires électroactives et de molécules solubles secrétées dans la modification des propriétés de surface des nanofilms. Ce résultat scientifique est à retrouver également sur le site de l‘Institut de Physique du CNRS.

Figure 2. Variation temporelle de l’épaisseur d’un nanofilm (A) lors de l’ajout de bactéries au temps t = 0 (symboles rouges). Une corrosion apparait soudainement à t = tonset créant ainsi un flux soudain d’électron comme le révèle les mesures d’intensité électrique (B) effectuées sur un autre échantillon.

Référence
Biocorrosion on Nanofilms Induces Rapid Bacterial Motions via Iron Dissolution
M. Lherbette, C. Regeard, C. Marlière, E. Raspaud
ACS Central Science, 2021, 7, 1949-1956
doi : 10.1021/acscentsci.1c01126

Actualité scientifique de l’Institut de Physique

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LPS : Eric Raspaud
I2BC : Christophe Regeard