Quand les cristaux liquides forment des architectures florales complexes

En collaboration avec un chercheur de l’Université de Pennsylvanie et un chercheur Ukrainien, une professeure du Laboratoire de Physique des Solides (Paris-Saclay) a mis en lumière l’architecture tridimensionnelle construite spontanément par des défauts dans une goutte cholestérique posée sur une surface plane. Les conditions d’ancrage des couches cholestériques sur la surface plane et à l’interface de la goutte avec le milieu environnant engendrent l’apparition de domaines focaux s’appuyant sur des ellipses réparties sur un paraboloïde au sein de la goutte. Ces domaines focaux s’organisent dans une architecture géométrique 3D remarquable dont un modèle complet est proposé.

Un cristal liquide cholestérique, arrangement hélicoïdal de cristal liquide, se comporte comme un système en couches tels que les smectiques où les molécules s’arrangent en couches liquides : c’est alors la périodicité cholestérique (ou pas) qui joue le rôle de couche quand le pas est petit.  Une goutte cholestérique plongée dans du glycérol offre une structure en forme de couches concentriques. Quand elle se pose par gravité sur une surface de verre, il apparaît une architecture en forme de fleurs comme observée par microscopie optique vue de dessus (Figure 1a). Le pas cholestérique est de 0.33 mm pour un diamètre de goutte de 130 mm. Une vue de profil (Fig. 1b) permet ainsi de mieux visualiser l’architecture 3D.

Figure 1. Goutte cholestérique de diamètre de 130 mm observée en microscopie optique soit vue de dessus (a), soit vue de profil (b).

Les conditions d’ancrage des molécules sur les interfaces sont telles que les couches cholestériques préfèrent être parallèles aussi bien à l’interface plane qu’à l’interface sphérique. Cette condition géométrique peut être satisfaite en introduisant des domaines focaux, arrangement original de couches associé à un couple de coniques. Chaque domaine focal est défini par un couple ellipse+ hyperbole, lignes rouges pleines dans la Fig. 2a. Les couches dans le domaine focal sont représentées en bleu dans la Fig. 2a, elles suivent des surfaces connues sous le   nom de cyclides de Dupin.  L’aspect floral est dû à l’association de plusieurs de ces domaines focaux dont les ellipses sont réparties sur un paraboloïde (en vert) qui sépare la goutte en deux régions (Fig. 2b). A l’intérieur du paraboloïde, en contact avec la surface de verre, chaque domaine focal est limité par un cylindre et permet un contact parfait avec des couches planes parallèles à la surface de verre assurant un raccord parfait entre les domaines focaux. A l’extérieur du paraboloïde, chaque domaine focal est limité par un cône centré au foyer du paraboloïde et qui permet un raccord parfait avec des couches sphériques centrées sur ce foyer réparties entre les domaines focaux. Les seuls endroits où le directeur n’est pas défini sont situés sur les ellipses et les hyperboles qui apparaissent ainsi en noir sur les photos Fig.1a et 1b.

Figure 2. Chaque domaine focal (a) s’appuie sur une ellipse et une hyperbole (traits rouges pleins). L’aspect floral est lié à l’association de plusieurs domaines focaux dont les ellipses sont réparties sur un paraboloïde (b).

Bien que cette architecture ait déjà été observée dans des cristaux liquides, c’est la première fois qu’elle est visualisée et interprétée en 3D. De plus, contrairement au cas smectique, l’organisation en couches n’est pas suffisante pour décrire complètement la structure dans le cas d’un cristal liquide cholestérique. En effet, la distribution du directeur qui définit l’orientation des molécules au sein des  couches reste à préciser. Etant donné la topologie des cyclides de Dupin, de nouveaux défauts d’orientation de ce directeur doivent être introduits complexifiant encore l’analyse de la structure. Ce travail combinant mesures expérimentales et description théorique vient d’être publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

Référence
Geometry of Focal Conics in Sessile Cholesteric Droplets
Randall D. Kamien, Yuriy Nastishin and Brigitte Pansu
PNAS, 2023, 120, 46, e2311957120
DOI: 10.1073/pnas.2311957120

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Brigitte Pansu