Remplissage topologiquement trivial des gaps dans le supraconducteur Fe(Se,Te) par des défauts unidimensionnels

Figure : (Gauche) Le défaut unidimensionnel dans le supraconducteur Fe(Se,Te), prétendument supporteur de modes de Majorana (flèche), est en réalité dû à des débris sous la surface (droite) et ne procure aucune protection topologique pour les états sous-gap.

Des physiciens du Laboratoire de Physique des Solides (CNRS/Université Paris-Saclay) ont découvert que les états sous-gap observés dans les défauts unidimensionnels du supraconducteur Fe(Se,Te) sont causés par des débris sous la surface, contrairement aux affirmations antérieures qui suggéraient qu’ils étaient des parois de domaines structurales hébergeant des modes de Majorana dispersifs. Leurs résultats révèlent une origine topologiquement triviale pour ces états.

La quête de la supraconductivité topologique et la possibilité de l’utiliser pour des applications en information quantique ont conduit à de nombreuses affirmations concernant les modes de Majorana. Ces modes sont des états à l’intérieur du gap d’un supraconducteur qui sont protégés topologiquement, c’est-à-dire qu’ils sont robustes face aux perturbations courantes telles que la plupart des types de désordre aléatoire. Ainsi, les qubits dérivés des modes de Majorana sont censés présenter des temps de cohérence très longs, permettant ainsi de transporter des informations de manière fiable. Une affirmation concernant les modes de Majorana se concentrait sur des états sous-gap le long d’un défaut unidimensionnel dans le supraconducteur Fe(Se,Te). Il a été constaté que le réseau de part et d’autre du défaut présente un décalage de phase de π, comme ce serait le cas pour une paroi de domaine structurelle. En supposant que l’état supraconducteur présente également un décalage de phase de π, les états dans le gap ont été considérés comme des modes de Majorana dispersifs.

Des chercheurs du Laboratoire de Physique des Solides révèlent maintenant la véritable origine du défaut et de ses états sous-gap. Ils ont d’abord amélioré la fiabilité de la technique permettant de déterminer le décalage de phase du réseau. Ensuite, sur la base de près de cent mesures différentes de défauts unidimensionnels, ils ont constaté que le décalage de phase est en réalité en moyenne de π/2. De plus, ils ont observé des états sous-gap similaires sur des défauts de surface sans aucun décalage de phase et, dans quelques cas, une absence d’états sous-gap sur des défauts ayant un décalage de phase. Ils ont également démontré la capacité de manipuler les défauts unidimensionnels à l’aide du champ électrique entre la pointe et l’échantillon, visualisant directement la présence de tous les atomes de surface sur le défaut.

Ensemble, ces résultats montrent que les défauts ne sont pas des parois de domaine structurelles, mais proviennent de chaînes de débris sous-surface à l’échelle atomique, et que les états sont topologiquement triviaux. Ce travail souligne que, malgré les apparences, tout n’est pas topologique dans Fe(Se,Te). La question de savoir si des modes de Majorana peuvent être hébergés dans de véritables parois de domaine dans ce matériau reste ouverte.

Contributeurs

Équipe Nanosecond at the Nanoscale (NS2)
Équipe Théorie (THEO)

Brookhaven National Laboratory, USA

Financements 

ANR (ANR-21-CE30-0017-01), US Department of Energy, office of Basic Energy Sciences, contract no. DOE-sc0012704

Références 

Andrej Mesaros, Genda Gu, Freek Massee
Nature Communications 15, 3774 (2024)
doi : 10.1038/s41467-024-48047-0

Contact

Freek Massee freek.massee@universite-paris-saclay.fr