
Des chercheurs de l’Institut Adolphe Merkle (AMI), en collaboration avec l’équipe Théorie de la Matière Molle du LPS, ont réussi à créer de fines membranes de conversion d’énergie qui imitent la structure et la fonction des membranes cellulaires biologiques. |
Des chercheurs de l’Institut Adolphe Merkle (AMI) au sein d’une collaboration internationale incluant le laboratoire de Physique des Solides (CNRS & Université Paris-Saclay) ont mis au point une nouvelle méthode pour créer des membranes ultrafines qui convertissent l’énergie en imitant la structure et la fonction des membranes cellulaires biologiques [1]. Cette découverte pourrait avoir des applications importantes dans des domaines allant des organes électriques artificiels implantables, au dessalement de l’eau.
La nouvelle technique exploite l’interface d’un système aqueux avec deux phases distinctes pour former et stabiliser ces membranes. En contrôlant soigneusement les conditions dans lesquelles les deux solutions non miscibles interagissent avec les côtés opposés de ces membranes, les chercheurs ont créé une couche polymérique fine d’une épaisseur de 35 nanomètres, mais qui peut couvrir des surfaces de plus de 10 centimètres carrés sans défaut [1]. Cette approche tire parti d’interactions favorables entre les segments des BCPs et les deux solutions pour stabiliser des structures auto-assemblées ultra-minces qui sont au moins mille fois plus grandes que ce qui était possible auparavant.
La méthode utilise des copolymères à blocs (BCP), des polymères hautement ajustables composés de deux segments de polymères distincts ou plus, pour former une bicouche à l’interface des deux phases. Les membranes qui en résultent présentent des propriétés mécaniques remarquables grâce à la structure interne fluide qui leur donne des capacités d’autoréparation, ce qui les rend robustes et durables pour une utilisation pratique. Des informations importantes sur la microstructure des fluides et la dynamique d’autoréparation des membranes ont été obtenues grâce à des simulations de dynamique moléculaire (MD) à grande échelle réalisées au LPS.
Ces membranes artificielles reproduisent les fonctions de transport sélectif d’ions des membranes cellulaires naturelles. En incorporant un peptide de transport naturel, les membranes atteignent une sélectivité ionique élevée, ce qui leur permet de générer de l’énergie électrique à partir de solutions de différents sels. Cette fonctionnalité s’inspire des organes électriques des raies et d’autres poissons électriques, qui utilisent des principes similaires pour produire de l’énergie.
Ce développement, publié dans la revue Nature à 5 juin 2024, laisse entrevoir des applications significatives. Dans le domaine du stockage de l’énergie, ces membranes pourraient permettre la mise au point de dispositifs à grande échelle pour stocker l’énergie électrique. Dans le domaine du dessalement de l’eau, elles peuvent constituer des barrières hautement sélectives qui séparent efficacement les ions de l’eau. Dans les traitements médicaux tels que la dialyse, la capacité des membranes à filtrer sélectivement les ions pourrait conduire à des procédures plus efficaces et moins invasives. Enfin, ces membranes pourraient permettre la mise en place de sources d’énergie électrique implantables, rechargées en continu à partir de l’énergie métabolique du corps.
Les futures itérations de ces membranes dont chaque est capable de générer 60 mV, intégrant éventuellement des canaux ioniques plus efficaces, pourraient atteindre des niveaux de performance comparables à ceux de l’organe électrique de systèmes biologiques tels que la raie électrique. L’évolutivité de ces membranes suggère également qu’elles pourraient être préparées avec de grandes surfaces pour augmenter leur taux de transport, et qu’elles pourraient être empilées pour créer des systèmes plus grands pour des séparations de grande valeur ou pour la production et le stockage d’énergie.
Cette recherche a été menée par le groupe de biophysique de l’AMI en collaboration avec le groupe des polymères fonctionnels durables de Nico Bruns à l’Université technique de Darmstadt, le groupe de théorie et simulation numérique de la matière molle au Laboratoire de Physique des Solide au CNRS et l’Université Paris-Saclay, le laboratoire de bio- et nano-instrumentation de l’EPFL, ainsi que les groupes de chimie des polymères et de physique de la matière molle de l’AMI.
Contributeurs
Équipe Théorie
Institut Adolphe Merkle (AMI)
Financements
European Innovation Council – Pathfinder Open Grant « INTEGRATE »
Références
[1] Sproncken et al, « Large-area, self-healing block copolymer membranes for energy conversion » Nature, 2024. DOI: 10.1038/s41586-024-07481-2
[2] Guha et al, « Powering electronic devices from salt gradients in AA-battery size stacks of hydrogel-infused paper » Advanced Materials, 2021. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/adma.202101757
[3] Schroeder et al, « An electric-eel-inspired soft power source from stacked hydrogels » Nature, 2017. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29239354/
Contacts
Henricus H. Wensink, LPS (UMR 8502), CNRS & Université Paris-Saclay rik.wensink@universite-paris-saclay.fr
William S. Fall, LPS (UMR 8502), CNRS & Université Paris-Saclay william.fall@universite-paris-saclay.fr