Des cristaux bidimensionnels de pentagones

Contrairement aux carrés, triangles ou hexagones, les pentagones ne peuvent pas entièrement paver un plan. En utilisant des nanoprismes d’argent à section pentagonale, des chercheurs ont reproduit des pavages prédits théoriquement et déterminer les mécanismes permettant de passer d’une structure à l’autre.

La question du pavage du plan par des pentagones réguliers a longtemps été un sujet d’étude pour les mathématiciens, mais aussi les artistes, les pavages ayant été utilisés depuis l’Antiquité pour réaliser des motifs réguliers à des fins décoratives. Ainsi, la question s’est longtemps posée de comprendre comment couvrir le plus de surface en n’utilisant que des pentagones réguliers. Deux pavages principaux ont particulièrement retenu l’attention. Le premier est un pavage du dessinateur allemand Albrecht Dürer (1471-1528) qui colle les pentagones par leur côté pour former de longues bandes de pentagones. L’autre pavage, nommé ice-ray, a été prouvé être le pavage le plus compact pour des pentagones, tout d’abord par des simulations théoriques, puis par une preuve assistée par ordinateur.

Déjà observés aux échelles atomiques et macroscopiques, ces deux pavages ont été observés à l’échelle mésoscopique dans un supercristal de nanoprismes d’argent de section pentagonale par une équipe de chercheurs du Laboratoire de Physique des Solides (CNRS/Université Paris-Saclay) et de l’Institut Charles Sadron (CNRS/Université de Strasbourg). Ils ont également mis en place une analyse qui, jointe à un modèle, permet de quantifier la compacité des assemblages observés expérimentalement. Leurs travaux ont été publié dans Nano Letters.

Les deux pavages ont été trouvés dans des cristaux de quelques micromètres, réalisé par le séchage d’une goutte de solution de nanoparticules fortement concentrée. De plus, comme il est possible de passer d’un pavage à l’autre en faisant glisser progressivement des pentagones les uns autour des autres, une multitude d’autres pavages intermédiaires a également été mise en évidence. En comparant les données expérimentales avec des données issues d’un modèle simulant le glissement, les chercheurs ont réussi à déterminer avec une grande précision la compacité du pavage, grâce à une analyse de l’orientation des pentagones dans le pavage ainsi que de l’orientation et de la longueur de leurs distances inter-centres. La présence des deux phases est expliquée par une compétition entre deux effets : un premier cherchant à maximiser la compacité du pavage, favorisant ainsi la formation de la phase ice-ray, et un second maximisant le contact entre les faces des objets, et donc les arêtes des pentagones, favorisant la phase Dürer. Ces travaux ouvrent une porte sur l’étude de la formation préférentielle de chacun de ces pavages en jouant sur la chimie de surface afin de les étudier séparément pour des applications en plasmonique.

Figure. Joint de grain entre les phases ice-ray et Dürer. a) Arrangement ice-ray idéal. b) Image MEB montrant une phase ice-ray à gauche et une phase Dürer à droite. c) Arrangement Dürer idéal. d) Schéma de la transition entre les phases ice-ray et Dürer où les pentagones sont colorés selon leur orientation, avec les compacités η et paramètres de glissement u correspondants, ainsi qu’une représentation de la maille unité.

Référence
Polymorphous packing of pentagonal nanoprisms
J. Marcone, W. Chaâbani, C. Goldmann, M. Impéror-Clerc, D. Constantin, C. Hamon
Nano Letters, 2023, 23, 1337-1342
doi : 10.1021/acs.nanolett.2c04541
HAL Id : hal-03992796

Contacts
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Cyrille Hamon