La tâche laissée par une goutte de café sur un cheveu

Des chercheurs ont étudié la dynamique de particules contenues dans une gouttelette lorsque celle-ci s’évapore sur une fibre. Le dépôt résultant du séchage sur une fibre diffère remarquablement de la surface plane mieux connue jusqu’alors, ce qui ouvre des perspectives pour des enjeux industriels.

Le dépôt de particules sur une surface par l’évaporation d’un solvant est un phénomène qui a suscité de nombreuses études depuis les années 2000. Illustration parfaite de l’expérience commune de la tache de café, la communauté scientifique s’est attelé à comprendre notamment comment la composition du liquide ou les conditions de séchage pouvaient influer sur ce dépôt inhomogène. En effet, de nombreuses applications requièrent des dépôts contrôlés telles que l’impression, la préparation d’échantillon d’analyse, le traitement de surface. Parmi ces surfaces, on trouve des plans, mais aussi des surfaces courbées telles que des fibres. On sait que la courbure de la surface peut modifier la forme de la goutte déposée, passant d’une calotte sphérique sur un plan à celle d’une perle sur une fibre (Figure 1).

Figure 1. Comparaison des dépôts sur une surface plane (à gauche) et sur une fibre (à droite). Les géométries sont schématisées en haut et les dépôts sont photographiés en microscopie de fluorescence en vue de dessus. On remarque le dépôt circulaire du bord de la goutte sur la surface plane tandis que le dépôt sur une fibre présente un faible dépôt aux positions initiales des deux bords de gouttes. Les particules font un micromètre de diamètre.

Des chercheurs du Laboratoire de Physique des Solides ont entrepris de mieux comprendre quelles étaient les conséquences de la courbure d’une fibre sur le dépôt des particules par le séchage. Pour ce faire, ils ont réalisé une étude théorique appuyée par des observations expérimentales afin de modéliser l’écoulement dans la goutte responsable du transport des particules (Figure 1). Une première différence avec la surface plane, la goutte sur une fibre présente deux bords disjoints, donc indépendants l’un de l’autre. Une fois déposée, le volume de la goutte diminue, mais la ligne du bord de goutte reste ancrée sur la surface à cause des aspérités, ce qui entraine une diminution de la hauteur. Pour assurer un équilibre de la forme de la goutte, un écoulement vers le bord s’établit, apportant des particules et renforçant l’accroche de la ligne de contact. Sur un plan, cette accroche perdure tout au long du séchage, ce qui provoque un dépôt circulaire fortement marqué. Par contre, sur la fibre, cette accroche ne peut être maintenue qu’un court moment, car la goutte ne parvient pas à trouver une forme d’équilibre qui combinerait le piégeage de ligne et la diminution de volume. Il s’en suit qu’une des deux lignes recule pour s’arrêter à nouveau pour quelques instants, et ainsi de suite, ce qui forme des dépôts mieux répartis sur la surface de contact de la goutte mais aussi plus complexes et plus difficilement reproductibles. Ces résultats ont fait la couverture du dernier numéro de Journal of Fluid Mechanics (Figure 2).

Figure 2. Ces résultats ont été publiés dans la revue Journal of Fluid Mechanics dont l’illustration de la couverture, issue de ce travail, est une goutte ensemencée de particules fluorescentes sur une fibre de verre.

Référence
Coffee stain effect on a fibre from axisymmetric droplets
M. Corpart, F. Restagno, F. Boulogne
Journal of Fluid Mechanics, 2023, 957, A24
doi: 10.1017/jfm.2023.59

Contacts
François Boulogne
Frédéric Restagno