Métadéfauts topologiques : torsades, nœuds et liens

Le concept de défauts topologiques joue un rôle unificateur en physique de la matière condensée. Sa naissance, il y a 50 ans, est le résultat des interactions entre les spécialistes de dislocations cristallines, de vortex supraconducteurs, de singularités ponctuelles ou linéaires en magnétisme ainsi que de monopôles, disinclinaisons et dislocations dans les cristaux liquides. Une équipe de chercheurs viennent d’identifier une nouvelle catégorie de défauts appelés métadéfauts topologiques, où deux dislocations ou plus se rejoignent et s’enferment dans des arrangements géométriques complexes.

Dans les cristaux liquides cholestériques, munis d’un ordre moléculaire hélicoïdal de pas po (figure 1d), les dislocations sont particulièrement faciles à générer par confinement dans une fente entre les surfaces non parallèles telles que les feuilles de mica cylindriques (de rayon Rm) croisées de la figure 1a. Dans cette géométrie, où l’épaisseur de la fente varie comme h=hmin+r2/(2Rm), le nombre N de pas d’hélice que l’on peut y loger, sans trop s’écarter du pas naturel po, augmente avec le rayon r par incréments DN=1. Pour cette raison, dans les figures 1b et 1c les champs avec N, N+1, N+2, … pas d’hélice sont séparés par les dislocations circulaires.

Figure 1. Dislocations dans une goutte cholestérique confinée entre deux feuilles de mica cylindriques. a) vue en perspective, b) dislocations vues au microscope, c) texture dans une section perpendiculaire à une dislocation, N est le nombre des pas d’hélice, d) représentation allégorique de l’hélice cholestérique de pas po.

Une équipe du LPS vient d’introduire le concept de métadéfauts topologiques à partir de l’exemple générique de torsades (ou tangles en anglais) formées de dislocations cholestériques. Ce travail vient d’être publié dans Physical Review Letters et mis en avant par les éditeurs.

La génération de telles torsades commence par la collision de deux dislocations coplanaires et leur association en une paire dite de Lehmann (Lehmann cluster) de symétrie D2 (figure 2a et b). Soumise à une contrainte mécanique suffisante (due à une augmentation de la distance hmin entre les feuilles de mica) la paire de Lehmann perd sa configuration coplanaire,  la brisure de symétrie D2 Þ C2 a lieu et en résultat on obtient la formation des torsades élémentaires alternativement dextro- et levogyres (figure 2d). Dans une goutte cholestérique de petite taille, on peut générer une seule torsade élémentaire et ensuite l’enrouler en double hélice (figure 2e) par l’action d’une contrainte de traction continue.

Figure 2. Génération de torsades. a) vue au microscope, b) paire de Lehmann formée de deux dislocations coplanaires, c) mouvement des dislocations dû à l’augmentation de l’épaisseur hmin, d) génération des torsades. e) Enroulement d’une torsade hélicoïdale formée d’une paire de dislocations.   

Les expériences plus récentes ont montré qu’en plus de torsades, les dislocations dans les cholestériques peuvent former aussi des nœuds (p.ex. un nœud de trèfle) ou des liens (p. ex. un lien de Hopf) qui sont d’autres exemples de métadéfauts topologiques.

Référence
Topological metadefects : tangles of dislocations
P. Pieranski, M. Zeghal, M.H. Godinho, P. Judeinstein, R. Bouffet-Klein, B. Liagre and N. Rouger
Physical Review Letters, 2023, 131, 128101
DOI: 10.1103/PhysRevLett.131.128101

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Pawel Pieranski