Activation thermique optimale et franchissement de barrière

Que ce soit en physique, en chimie ou en biologie, les vitesses de réaction sont très souvent limitées par des barrières énergétiques à franchir grâce à l’activation thermique. Des chercheurs du LPS, du LPTMS et de l’université de Cambridge démontrent ici que l’on peut jouer sur le profil d’une barrière pour en accélérer le franchissement : étonnamment, l’optimisation des profils conduit à des barrières plus élevées !

La loi d’Arrhénius (1889) est la pierre angulaire de la compréhension de nombreux processus cinétiques en chimie, en thermodynamique ou en biologie moléculaire. Cette loi empirique stipule que les vitesses de réaction dépendent exponentiellement de la barrière d’énergie qui sépare les réactifs des produits finaux ; on parle d’énergie d’activation. Une théorie satisfaisante en a été proposée 50 ans plus tard par Kramers pour les systèmes browniens. La relation de Kramers introduit le couplage à l’environnement (le fluide porteur) via un paramètre de friction, et confirme la relation exponentielle entre vitesse de réaction et énergie d’activation. Il est ainsi naturel de penser que plus la barrière d’activation est élevée et plus son franchissement est ralenti, et par conséquent de conclure que l’absence de barrière d’activation conduirait aux vitesses de réaction maximales. Une collaboration entre le LPS Orsay et le LPTMS (depuis peu voisins sur le plateau de Saclay), ainsi que le laboratoire Cavendish à Cambridge a montré que cette intuition fondée sur les relations de Kramers/Arrhénius était incorrecte. En d’autres termes, ce n’est pas la diffusion libre et donc sans aucune barrière qui minimise le temps de premier passage à un point cible pour une particule brownienne. L’existence même d’une barrière permet d’accélérer le processus !

Cette figure montre la configuration expérimentale pour mesurer les taux d’échappement d’une particule colloïdale brownienne dans un potentiel externe défini avec des pincettes optiques holographiques. Elle montre également un croquis d’un profil potentiel théorique où l’augmentation du temps d’échappement de Kramers est compensée par un temps de glissement rapide. L’énergie potentielle aux points initial et d’échappement est égale. Une stratégie générale est proposée pour générer des potentiels « d’accélération » optimisés avec des taux d’échappement beaucoup plus rapides que la diffusion libre.

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Alexei Chepelianski

Références & liens

Optimizing Brownian escape rates by potential shaping
M. Chupeau, J. Gladrow, A. Chepelianski, U. Keyser, E. Trizac
Proc Natl Acad Sci (USA) 117, no. 3, 1383 (2020)
doi:10.1073/pnas.1910677116

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