Couplage phonon-plasmon à l’échelle du nanomètre

Le groupe STEM du LPS et ses collaborateurs ont dévoilé l’interaction des phonons et des plasmons à l’échelle du nanomètre. Cette interaction, qui vient de faire l’objet d’une publication dans Nano Letters, a pu être découverte grâce à des récentes avancées technologiques qui ont permis de générer des faisceaux d’électrons d’une largeur de l’ordre du nanomètre avec une résolution spectrale très étroite (< 10 meV). Installé au LPS, le microscope ChromaTEM (projet TEMPOS ANR) est équipé de cette technologie et est capable de sonder les phonons à haute résolution spatiale.

Les phonons sont des vibrations d’atomes à l’intérieur des matériaux, tandis que les plasmons sont des oscillations collectives d’électrons. Dans ce travail, des phonons de couches minces de hBN (nitrure de bore hexagonal) et des plasmons de nanofils d’argent ont été utilisés. Pour coupler efficacement les phonons et les plasmons, leur énergie doit correspondre. Pour obtenir cette correspondance, la longueur des nanofils d’argent a été modifiée en coupant les nanofils avec un faisceau d’électrons à haute énergie, avec une précision de l’ordre de 10 nm (une dimension environ 1000 fois inférieure à l’épaisseur d’un cheveu humain). En effet, l’énergie d’un plasmon varie, en première approximation, comme l’inverse de la longueur du nanofil qui le sous-tend.

On s’attendait à observer deux signatures dans le spectre de perte d’énergie électronique (EELS) lorsque l’énergie des phonons et du plasmon correspondraient. La première était une exaltation de la signature des phonons due à la présence du plasmon. La seconde était une modification des niveaux d’énergie.

L’interaction des phonons avec les plasmons a été largement explorée par le passé. En effet, elle permet d’atteindre une sensibilité extrême, qui va jusqu’à la détection de molécules uniques, dans les expériences de Raman (SERS, surface enhanced raman spectroscopy) et d’absorption optique (SEIRA, surface enhanced infrared absorption). Dans ces expériences, la grande densité locale d’états électromagnétiques fournie par le plasmon permet d’exalter les signaux phononiques et de détecter les molécules individuelles. Le groupe STEM a découvert un effet analogue en EELS : l’exaltation des signaux vibratoires due à la présence de plasmons. Cet effet, dénommé PEVES (plasmon enhanced vibrational EELS) avait été prédit par le passé. Cependant, il n’avait pas pu être observé expérimentalement. Plus précisément, il a été démontré que l’on pouvait détecter avec cette méthode des modes de phonons qui ne sont généralement pas observés en EELS, soit pour des raisons de rapport signal sur bruit, ou pour des raisons de symétrie. Cela a été expérimentalement visualisé pour les couches minces de hBN dont les phonons ont été révélés grâce à la présence d’un mode plasmonique dans des nanofils d’argent d’une longueur de l’ordre du micromètre. Ces expériences ouvrent la voie à la possibilité d’obtenir des signatures moléculaires exaltées en EELS. Ceci permettrait de réunir au sein d’une même expérience tous les avantages des spectroscopies vibrationnelles et de l’imagerie à très haute résolution de la microscopie électronique pour l’identification des molécules.

En raison de la densité de champ intense des états, le groupe STEM a également observé un couplage fort des phonons et des plasmons. L’observation du couplage fort à travers l’ensemble du nanofil prouve que les modes hybrides phonons-plasmons sont en effet spatialement cohérents tout au long de la nanostructure.

Gauche : Schéma de l’expérience : de longs nanofils d’argent ont été placés sur une fine couche de hBN. Un faisceau d’électrons monochromaté (bleu) a été utilisé pour sonder le plasmon, les phonons et leur couplage dans ces structures. Un faisceau d’électrons à courant élevé (jaune) a été utilisé pour couper les nanofils afin de modifier l’énergie des plasmons et les mettre en résonance avec les phonons du hBN. En bas : Spectres EELS montrant l’exaltation des phonons (à gauche) et le couplage fort plasmon/phonon (à droite). Les spectres violets ont les phonons hBN à environ 180 meV en résonance avec un plasmon, montrant l’exaltation et le couplage fort (S). Le spectre orange est hors résonance et seule une exaltation des phonons est observée (à 100 meV et 180 meV). Le spectre bleu a été enregistré sur un nanofil d’argent nu, ne montrant que des pics de plasmon (P).

Figure 2 : Signaux de BET (lignes rouges) de suspensions de fils de nanoplaquettes soumis à des pulses de champ électrique alternatif de basse fréquence (à gauche, 70 Hz) et de haute fréquence (à droite, 70 kHz). (Les lignes noires représentent la variation du champ électrique et les lignes bleues sont des ajustements des données par un modèle.) Le signal BET est négatif à basse fréquence mais il est positif à haute fréquence.

Référence

Tailored nanoscale plasmon-enhanced vibrational electron spectroscopy
L. H. G. Tizei, V. Mkhitaryan, H. Lourenço-Martins, L. Scarabelli, K. Watanabe, T. Taniguchi, M. Tencé, J.-D. Blazit, X. Li, A. Gloter, A. Zobelli, F. Schmidt, L. M. Liz-Marzán, F. Javier García de Abajo, O. Stephan & M. Kociak
Nano Letters 20, 5, 2973-2979 (2020)
doi:10.1021/acs.nanolett.9b04659

Contact

Luiz Tizei